Parti de l’idée que le cœur de mon sujet serait le temps qui suit la vie active et qui précède la mort, j’en ai fait le thème des tercets, écrits au présent.
Bien sûr, il fallait parler de la vie avant, qui ferait donc l’objet des quatrains. C’est alors que le hasard m'a fait découvrir ce vers de Seamus Heaney dont l’humour féroce m’a ravi.

D’où l’idée de le mettre en exergue et d’imaginer une vie active privée de sens, ratée dans sa fuite en avant, que j’ai illustrée par ces expressions bateau, ces images-poncif que constituent les quatre hémistiches aux rimes en "agne", ainsi que par le mythe de la Toison d’Or.

J’ai glissé une pointe d’humour dans le dernier vers de chaque quatrain pour créer une distanciation entre le présent résigné et ce passé imaginaire…

Car, rassurez-vous, cette vie gâchée ne fut pas la mienne, loin de là !

Paris, août 2022.

Représetation allégorique du Temps

 
Tempus fugit

Y a-t-il une vie avant la mort ?
Seamus Heaney



Tu vécus ta jeunesse en Pays de Cocagne
Et tu te croyais né pour marcher sur les cieux.
Alors que tu rêvais de châteaux en Espagne
Le Temps chaussa pour toi ses bottes de sept lieux.

Sur ses pas tu t’es mis à battre la campagne,
Tu l’as suivi sans but, la fièvre au fond des yeux.
Avec lui tu jouais ton âme à qui perd gagne,
Hélas ! tu l’as perdue, il trichait beaucoup mieux…

Sur le glacis du soir le soleil agonise,
Le passé se dissout et l'instant s’éternise.
Toi qui t'imaginais quérir la Toison d’Or !

Au fond du labyrinthe où rôdent tes pensées
Le Temps s’enfuit pieds nus le long d’un corridor.
Seul le silence attend sur les dalles glacées.