Les licences poétiques

La poésie s'est autorisé, depuis toujours, à user de licences pour tempérer les contraintes qu'elle s'impose. Elles concernent :

Les mots
A l'époque classique il était d'usage de distinguer certains mots dits "nobles", réservés à la poésie et d'autres, dits "vulgaires", rigoureusement exclus. Les romantiques et Victor Hugo (encore lui !) ont mis fin à cette pratique: J’ai mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire… Plus de mot sénateur, plus de mot roturier ! … Aujourd'hui il serait tout à fait ridicule d'écrire la nef et le coursier pour le navire et le cheval ; ou, pire encore, la flamme et l'hymen pour l'amour et le mariage !
Toutefois certains mots techniques restent toujours difficiles d'emploi.

L'orthographe
Les licences orthographiques étaient nombreuses avant le XVIIIe siècle. Aujourd'hui on n'admet plus guère que : "encor", "certe" ainsi que l'omission de l's final de certains noms propres comme Charles, Londres ou Athènes : Dans Arle où sont les Aliscams, (Cf. l'intégralité du poème de J-P Toulet ici).

L'inversion
La principale licence poétique est l'inversion, qui permet de mettre en valeur une expression ou une pensée. À l'époque classique, elle était nécessaire pour marquer la césure : Pour réparer des ans l'irréparable outrage. (Cf. ici la fameuse tirade du Songe d'Athalie).

Admises à l'époque classique, la plupart de ces inversions étaient devenues risibles deux siècles plus tard, comme le souligne Théophile Gautier : De chemin, mon ami, va ton petit bonhomme ! Victor Hugo utilise encore parfois – à juste titre – l'inversion "nom/complément du nom" pour souligner une image particulière : Restons-y. Nous avons du monde atteint les bornes.
Aujourd'hui ne subsistent que les inversions "adjectif /complément d'adjectif" et "verbe/complément d'objet indirect" : Booz s'était couché de fatigue accablé ; Chacun à son pilier s’adosse et tient sa lance ; Ainsi, bien sûr, que l'inversion "sujet/verbe", qui n'est pas vraiment une licence puisqu'elle est pratiquée en prose …comme dans la phase pécédente  .