Le trimètre

Cette espèce moderne d'alexandrin est née d'une évolution que nous devons à Victor Hugo :

L'affaiblissement de la césure
Les poètes classiques considéraient comme une faute de ne pas marquer fortement la césure ; il n'était pas envisageable d'écrire : Rome,/à qui ton bras/vient d'immoler/mon amant ! En effet le mot vient qui termine le premier hémistiche ne supporte aucun accent tonique. Aussi évitaient-ils cette situation au prix d'inversions peu naturelles : Rome,/à qui vient ton bras//d'immoler/mon amant ! Corneille (Horace, IV, 5)

Victor Hugo, qui par ailleurs respectait scrupuleuse-ment les règles classiques, a rompu délibérément avec elles sur ce point : Près des meu/les qu'on eût pri/ses pour des décombres
Près 3es meu/les qu'o4 eût pri/ses pour de5 décombres
Son exemple a fait loi, et l'alexandrin n'impose plus de césure forte.
Rimbaud y place une syllabe muette (césure lyrique) : Périssez ! Puissance,//justice, histoire, à bas ! ...et Verlaine y pratique l'enjambement sur le deuxième hémistiche (césure dite "italienne") : Bonté, respect ! Car qu'est-//ce qui nous accompagne ?

Le trimètre
Parmi tous ces rytmes nouveaux, le rythme ternaire composé de trois groupes de quatre syllabes s'est révélé comme un type d'alexandrin à part entière : J'ai disloqué//ce grand niais//d'alexandrin !
J'ai dis4loqué//ce gra4d niais//d'ale4andrin !
Victor Hugo et ses successeurs immédiats n'ont pas totalement effacé la césure, même dans le trimètre : elle restait un séparateur entre les deux hémistiches.
Il ne restait plus qu'à joindre les deux moitiés du groupe central par un mot unique et c'est ce qu'on fait désormais : N'entends-tu pas//dans l'infini//battre leurs ailes ? Fernand Gregh (L'envol des anges).

« Le trimètre, si légitime qu'il soit, ne saurait cepen-dant prendre la place de l'alexandrin ordinaire : il serait vite monotone. […] Le vers essentiel, le vers fondamental de la poésie française, sera sans doute toujours l'alexandrin classique, avec moins de rigueur à la césure. »
Philippe Martinon (Versification française)