Le rondeau (2/2)

Le rondeau redoublé
On trouve aussi au XVIe siècle le rondeau redoublé ou rondeau parfait.

Il est composé de cinq ou six quatrains d'octosyllabes ou de décasyllabes à rimes croisées (le qualificatif de « redoublé » est justifié par le nombre de vers). Il est construit sur deux rimes seulement, ce qui explique peut-être sa rareté.
Les quatre vers du premier quatrain forment l'un après l'autre le dernier vers des quatre quatrains suivants.
À la fin du dernier quatrain du poème on retrouve le fameux « rentrement » (reprise des premiers mots du premier vers). Le schéma du rondeau redoublé s'établit donc ainsi :
A1B1A2B2 , babA1 , abaB1 , babA2 , abaB2(, baba)+R.

À partir du milieu du XVIIe siècle le rondeau, dans toutes ses variétés, est en recul marqué.
L'école parnassienne essaiera, mais sans grand succès, de le remettre en honneur.

Le rondeau ci-contre fut écrit par Clément Marot en 1526 au sortir de la prison où l'avaient conduit ses critiques répétées de la vie menée par les religieux de son temps.

Rondeau parfait

À ses Amis après sa délivrance,


En liberté maintenant me promène,
Mais en prison pourtant je fus cloué ;
Voilà comment Fortune me démène :
C'est bien et mal. Dieu soit du tout loué.

Les envieux ont dit que de Noé
N'en sortirais ; que la mort les emmène !
Malgré leurs dents le nœud est dénoué :
En liberté maintenant me promène.

Pourtant, si j'ai fâché la Cour Romaine,
Entre méchants ne fus onc alloué :
Des bien famés j'ai hanté le domaine,
Mais en prison pourtant je fus cloué.

Car aussitôt que fus désavoué
De celle-là qui me fut tant humaine,
Bientôt après à saint Pris fus voué :
Voilà comment Fortune me démène.

J'eus à Paris prison fort inhumaine ;
À Chartres fus doucement encloué ;
Maintenant vais où mon plaisir me mène.
C'est bien et mal. Dieu soit du tout loué.

Au fort, Amis, c'est à vous bien joué,
Quand votre main hors du parc me ramène.
Écrit et fait d'un cœur bien enjoué,
Le premier jour de la verte Semaine,
En liberté.

Clément Marot (1496-1544)