Antoine de Nervèze (1570-1622)




 




Vous me dites toujours où tendent mes desseins,
Et pourquoi je vous aime et vous rends du service :
Vous pouviez bien savoir avant que je vous visse
Quel peut être le but de l'amour des humains.

Nous vivons dans le monde et parmi les mondains,
Nos sexes sont divers, et le plus doux délice
De l'homme c'est d'aimer l'amoureux exercice
Dont vous êtes privée exerçant vos dédains.

Or puisque je suis homme et que vous êtes femme,
Vous pouvez bien juger le sujet de ma flamme,
Et pourquoi j'ai poussé pour vous tant de soupirs :

Le bien que je désire et cherche à l'aventure
Je le fais sous l'aveu des lois de la nature,
L'on n'aime les beautés sinon pour les plaisirs.





Marc-Antoine-Girard de Saint-Amant (1594-1661)




Le paresseux




Accablé de paresse et de mélancolie,
Je rêve dans un lit où je suis fagoté
Comme un lièvre sans os qui dort dans un pâté,
Ou comme un Don Quichotte en sa morne folie.

Là, sans me soucier des guerres d'Italie,
Du comte Palatin ni de sa royauté,
Je consacre un bel hymne à cette oisiveté
Où mon âme en langueur est comme ensevelie.

Je trouve ce plaisir si doux et si charmant
Que je crois que les biens me viendront en dormant,
Puisque je vois déjà s'en enfler ma bedaine,

Et hais tant le travail que, les yeux entrouverts,
Une main hors des draps, cher Baudoin, à peine
Ai-je pu me résoudre à t'écrire ces vers.