Pierre de Ronsard (1524-1585)

Comme on voit sur la branche au mois de May la rose
En sa belle jeunesse, en sa premiere fleur
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l’Aube de ses pleurs au poinct du jour l’arrose :

La grace dans sa fueille, et l’amour se repose,
Embasmant les jardins et les arbres d’odeur :
Mais batue ou de pluye, ou d’excessive ardeur,
Languissante elle meurt fueille à fueille déclose :

Ainsi en ta premiere et jeune nouveauté,
Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté,
La Parque t’a tuée, et cendre tu reposes.

Pour obseques reçoy mes larmes et mes pleurs,
Ce vase plein de laict, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif et mort ton corps ne soit que roses. Sur la mort de Marie, 1578.

L.M.F *

Je te salue, o vermeillette fante,
Qui vivement entre ces flancs reluis.
Je te salue, o bienheuré pertuis,
Qui rens ma vie heureusement contante.

C’est toi qui fais que plus ne me tourmente
L’archer volant qui causait mes ennuis;
T’aiant tenu seulement quatre nuis
Je sen sa force en moi desja plus lente.

O petit trou, trou mignard, trou velu
D’un poil follet mollement crespelu,
Qui à ton gré domtes les plus rebelles,

Tous vers galans devroient, pour t’honorer
A beaus genous te venir adorer
Tenant au poin leurs flambantes chandelles.

* La Motte Féminine Livret des Folastries, 1553.