Philippe Berthelot (1866-1934)

Alexandre à Persepolis

330 av. J.-C.


Au-delà de l’Araxe où bourdonne le gromphe,
Il regardait sans voir, l’orgueilleux Basileus,
Au pied du granit rose où poudroyait le leuss,
La blanche floraison des étoiles du romphe,

Accoudé sur l’Homère au coffret chrysogomphe,
Revois-tu ta patrie, ô jeune fils de Zeus,
La plaine ensoleillée où roule l’Ænipeus
Et le marbre doré des murailles de Gomphe ?

Non ! Le roi qu’a troublé l’ivresse de l’arack,
Sur la terrasse où croît un grêle azédarac,
Vers le ciel, ébloui du vol vibrant du gomphe,

Levant ses yeux rougis par l’orgie et le vin,
Sentait monter en lui comme un amer levain
L’invincible dégoût de l’éternel triomphe.


Jules de Rességuier (1788-1862)

Épitaphe d’une jeune fille




Fort
Belle,
Elle
Dort !

Sort
Frêle !
Quelle
Mort !

Rose
Close,
La

Brise
L’a
Prise.



Le Livre des sonnets, 1893.

Alexandre à Persepolis

Ce sonnet me ravit par son côté "performance" – voire canular – autant que par la démesure de son style plus que parnassien.

Le mot "triomphe" étant réputé n'avoir pas de rimes, Philippe Berthelot et son frère Daniel décidèrent d'en donner un démenti. Ils écrivirent en 1886 le fameux sonnet aux rimes en "omphe" et en "eus".

On y trouve pas moins de cinq rimes à "triomphe" !
En fait, les trois termes "chrysogomphe", "gromphe" et "romphe" ont été inventés à partir du grec ancien, les deux autres étant des mots existants.

Voici la signification des mots rares figurant dans ce sonnet (précédés du numéro du vers) :

1. Araxe : rivière de l'Asie occidentale ;
1. gromphe : mot inventé → scarabée noir du Nil ;
2. Basileus : roi, en grec ancien ;
3. leuss (ou lœss) : limons transportées par le vent ;
4. romphe : mot inventé → nef, voûte ;
5. chrysogomphe : mot inventé → clouté d'or ;
7. Ænipeus : rivière au pied de l'Olympe (act. Enipeas) ;
8. Gomphe (ou Gomphes) : ville antique de Thessalie ;
10. azédarac : arbuste des régions chaudes ;
11. gomphe : petite libellule noire et jaune.