Cristale Landevennec Gérardine classique

L'attente

Mon front contre la vitre, un jour dure cent ans.
L'automne est arrivé, le noroît éparpille
Les amours, comme l'aube évapore le temps
Des splendeurs de la rose, à l'heure où la charmille
Essaime les rumeurs de ses bois crépitants.

La maison sent la cire et le vieux plancher brille.
Sur la table, un couvert est dressé mainte fois ;
Du vin, une omelette, un fumet de morille,
Le parfum des marrons grillés au feu de bois.

Les femmes du village, en toute confidence,
Me disent d'épouser le fils du vieux François
Car nul ne reviendrait d'une si longue absence.

Elles ne savent rien ! Chaque soir je t'attends,
Le regard de ton chien me rassure en silence.

Mon front contre la vitre, un jour dure cent ans.

Oniris - Poésie classique, 14/12/2015.

Gérardine inversée classique

Une si longue absence

Je regarde la mer, l'horizon s'éternise.

La dernière tempête a couché l'olivier
Et le bois diminue au fond de la remise.

L'automne, puis l'hiver, les frimas de janvier
Brûlent jour après jour mon courage, et ma peine,
Et la peau de mes mains sous les eaux du vivier.

Les filets recousus, la cale humide est pleine ;
Rudes labeurs auxquels je ne saurais surseoir.
Le vent porte l'écho de quelque cantilène
Sous la lune témoin de nos promis d'un soir.

Le curé nous attend pour nos vœux à l'église…
Jai mis, avec Francis, les pommes au pressoir,
La rumeur se méprend ; qu'au diable elle médise !
Près du berceau, ton chien, résigné, vient s'asseoir.
Je regarde la mer, l'horizon s'éternise.

Oniris - Poésie classique, 01/01/2020.

Cristale a complété cette saga d'un troisième opus ; le voici :

Absence

Six ans, six ans déjà. L'océan me fascine.
L'hiver, puis le printemps, je garde un peu d'espoir.
Le phare éclaire une ombre, esquisse sibylline ;
Un songe inachevé se poursuit chaque soir,
Au bout de l'horizon, là-bas, je t'imagine.

J'ai rentré le bois sec. Il va bientôt pleuvoir.
Les naissains du vivier sont chétifs et j'en tremble ;
Mauvaise algue ou virus… Sur les bords du lavoir
L'on dit à demi-mot que mon fils te ressemble.

Mais tu ne savais rien. Son sourire est si beau ;
Je lui parle de toi, nous serions bien ensemble.
Son front contre la vitre il dessine un bateau.

Francis ne viendra plus m'aider à « La Marine » ;
Il voulait m'épouser, j'ai refusé l'anneau.

Six ans, six ans déjà. L'océan m'assassine.

Oniris - Poésie classique, 20/03/2022.