Johanne Hauber-Bieth Maillet classique

Bats-toi…

Rassemble, mon ami, tes lambeaux de courage
Qui subsistent encore, en avançant toujours
Refusant la colère et les sursauts de rage,
Sauf celle du vainqueur qui doit mouvoir tes jours !

Quand le malheur tenace, hélas, fait son barrage
Rassemble, mon ami, tes lambeaux de courage
Pour affronter tes maux avec tout l'argument
Qu'est celui de la vie, œuvrant plus sûrement.

Alors que le meilleur n'est pour toi que mirage,
L'arbre sans fin renaît après les vils hivers…
Rassemble, mon ami, tes lambeaux de courage,
Fais la nique à la Parque et bats-toi plus pervers !

Et dès lors, tu verras de tes revers l'ancrage
S'épuiser puis se rompre en libérant, serein,
Ton avenir plus beau… mais pour cela, sans frein,
Rassemble, mon ami, tes lambeaux de courage.

Pierre Bernard Sonnet classique

Cendres

Neuf novembre dix-huit. Par un temps diluvien
Sur la ligne de front que l’averse ravine,
Quand s’arrête un instant la fureur assassine,
Le combattant reprend les us du quotidien.

Un soldat profitant des pâleurs du matin,
À son poste de guet en haut d’une colline,
Ecrit aux siens armé d’un crayon d’aniline.
Sur ses lèvres, la pointe il humecte avec soin.

Il raconte sa peur, les alboches qu’on tue,
Son amour, les colis, la nature foutue,
Les rumeurs d’armistice ouvrant un fol espoir…

Soudain, le sifflement d’un obus au phosphore.
Une nuée ardente illumine l’aurore.
Sa lettre monte au ciel tel un papillon noir.