Sybil O'Santy [Elsa Koeberlé] (1881-1950)

Novembre a dépouillé les marronniers du quai,
L’eau se traîne le long des chemins de halage,
Lasse de refléter d’éternels paysages
Tristes, et si pareils d’être mouillés et nus.

Novembre a défeuillé les arbres. Toi non plus,
N’as pas gardé la grâce estivale et joyeuse,
Qui sonnait à travers les campagnes herbeuses
De l’étroite vallée bruissante de troupeaux.

Novembre sans merci t’investit à nouveau,
Tes cheveux ont l’odeur inerte de la terre
Détrempée, et ta bouche et ton regard austères
Sont muets, dépouillés comme les arbres froids.

Tout, de ce cadre stationnaire et trop étroit,
Qui monte à nous malgré notre fenêtre close,
Tue le rythme divin de ton corps et des choses.
Novembre a défeuillé mon ardeur envers toi.

Les Accords, 1906.

Jean de la Ville de Mirmont (1886-1914)

Novembres pluvieux, tristes au bord des fleuves
Qui ne rflètent plus le mirage mouvant
Des nuages au ciel, des arbres dans le vent,
Ni l'aveuglant soleil dont nos âmes sont veuves,

Faut-il que notre exil sous vos froides clartés
Ne conserve d'espoir que le peu que nous laisse
Le cri des trains de nuit qui sifflent leur détresse,
Quand les rêves sont morts dans les grandes cités ?

L'horizon chimérique [posthume], 1920.