Jules Supervielle (1884-1960)

 

Voyageur, voyageur, accepte le retour,
II n'est plus place en toi pour de nouveaux visages,
Ton rêve modelé par trop de paysages,
Laisse-le reposer en son nouveau contour.

Fuis l'horizon bruyant qui toujours te réclame
Pour écouter enfin ta vivante rumeur
Que garde maintenant de ses arcs de verdeur
Le palmier qui s'incline aux sources de ton âme.

Débarcadères, 1922.

Jean Cocteau (1889-1963)

Cryptographies XXX

Il arrive en courant que ma plume se trompe
Et jouant de malheur
Ne sache s'inspirer d'insectes dont la trompe
Ne se trompe de fleur.

Je n'ose contrôler cette ombre de mes veines
En fuite par ma main
Et que puis-je changer si les mots qui me viennent
Se trompent de chemin.

Trompé toujours trompé sans voix qui me renseigne
Voilà mon triste sort.
Ainsi le veut la nuit. C'est du sang que je saigne.
C'est de l'encre qui sort.

Clair-Obscur, 1954.