Renée Vivien [Pauline Mary Tarn] (1877-1909)

Ton Âme

Ton Âme, c’est la chose exquise et parfumée
Qui s’ouvre avec lenteur, en silence, en tremblant,
Et qui, pleine d’amour, s’étonne d’être aimée.
Ton Âme, c’est le lys, le lys divin et blanc.

Comme un souffle des bois où sont les violettes,
Ton souffle vient baiser le front du désespoir,
Et l’on apprend de toi les bravoures muettes.
Ton Âme est le poème, et le chant, et le soir.

Ton Âme est la fraîcheur, ton Âme est la rosée.
Sa très douce pitié console du destin
Et ranime d’un mot l’espérance brisée.
Ton âme est le sourire au regard du matin.

Cendres et Poussières, 1902.

Lucie Delarue-Mardrus (1880-1945)

Fin

J’ai porté ton amour au cœur comme un couteau,
Il ne m’a pas laissé même de cicatrice.
La solitude en moi revient, dominatrice :
Peut-être t’ai-je aimée ou trop tard ou trop tôt.

Maintenant l’amitié, plus triste que la haine,
Sans doute pour toujours nous unit sans frisson.
Tes yeux ne brûlent plus mon âme de garçon,
Et je te tiens la main sans plaisir et sans peine.

Mon désir s’était pris aux fils de tes cheveux.
Mais ta proie est perdue, et plus rien ne t’en reste
Qu’une âme sans élan dans une chair sans geste.
L’amour est mort : demeure… Ou va t’en si tu veux.

Nos secrètes amours, posthume, 1951.