Révélation
Le soleil s’est couché, lente cérémonie,
Dans un luxe de pourpre et de métal ardent.
Un nuage s’attarde encore à l’occident
Comme un châle oublié quand la fête est finie.
La lune est déjà haute au dessus du glacier
Qui suspend au granit sa charge formidable
Et le lac à mes pieds reproduit, insondable,
Le disque opalescent dans son reflet d’acier.
Les constellations, rassurant bestiaire
Dont je cherche en rêvant les contours familiers,
Attisent au levant leurs braises par milliers.
La terre élève au ciel une immense prière.
Tout à coup le silence est total. Plus un bruit,
Plus un souffle. C’est l’heure énigmatique et sombre
Où le monde indécis entre le jour et l’ombre
S’apprête à recevoir l’étreinte de la nuit.
Le minéral s’endort, enclos dans son mystère
Et l’animal se tait ; le temps se meurt. Je sens
Mon souffle se mêler aux appels frémissants
Et mon mon être apaisé s'enchaîner à la Terre…
Mais soudain l’univers bascule sous mes yeux :
Je tombe vers le ciel – immobile prodige !
Retenu sur le sol, étourdi de vertige,
Je domine l'espace et l’abîme des cieux.
Mon esprit fasciné plonge en ces eaux profondes
Et dans ce grandiose et clair fourmillement,
Ivre, éperdu d’angoisse et d’émerveillement,
J’entrevois un instant l’infinité des mondes.