Éléonore Le Hardÿ de Beaulieu Poème classique

La lune saturnienne

(Quatre-quatre couronne)

Lune ronde et superbe, immense dans la nuit,
Invisible en ces lieux quand la clarté se lève,
Que ne peux-tu, bel astre, où ton frère s'élève
Demeurer au zénith dans le jour qui le suit !

Dame des grands espoirs, fantasmes du poète,
Toi la sphère de lait au long méridien,
Observant de ton œil l'anneau circadien,
Te taisant tu sais tout, silencieux prophète !

As-tu songé parfois, en ton clair qui reluit,
Rêvassant immobile à ta tristesse vaine,
Éteindre la lueur de ton marbre sans veine
Et te fondre sans mot dans le froid de minuit ?

Te coucher à jamais dans le lit de Comète ?
Faut-il que cette chute, habile diamant
Se fasse un jour la fin de ton règne dormant
Closant là, pour toujours, les lèvres de l'esthète ?
Lune ronde et superbe, immense dans la nuit,
Dame des grands espoirs, fantasmes du poète,
As-tu songé parfois, en ton clair qui reluit,
Te coucher à jamais dans le lit de Comète ?

Concours Flammes Vives de la poésie 2019,
Section classique – Flamme d'or.


Gilles Le Saux Sonnet néoclassique

Les enfants sont partis

Les enfants sont partis. Montent le désarroi
Et le silence, à flots, par la fenêtre ouverte.
L'ombre gagne déjà la pelouse déserte
Où grinçait, familier, le vieux cheval de bois.

Je m'entends fredonner – juste un filet de voix –
Un air simple et naïf parlant de souris verte,
Et dans tes yeux mouillés, brille la découverte
D'un couple dépouillé des bonheurs d'autrefois.

C'est un chaud jour d'été qui s'éteint sur le vide,
La solitude à deux, le déclin et la ride
Qu'on croyait ne pas voir, quand ils riaient ici.

Il nous faudra pourtant, arrimés l'un à l'autre,
Mimer une gaîté qui déjà n'est plus nôtre :
Les enfants sont partis… notre jeunesse aussi.

Concours Flammes Vives de la poésie 2017,
sur le thème de la tendresse – Flamme d'argent.