Bernard Lallement Sonnet classique
La Camarde ébouillantée
Dieu ! que c'est agaçant d’avoir les pieds glacés
Dans le fond de son lit, comme si la Camarde
Trouvait décidément qu'on s'accroche et qu'on tarde
À joindre pour jamais ses doigts entrelacés !
Quand je la sens qui mord mes pieds violacés,
Et jusqu'à me flairer les mollets se hasarde,
Elle m'en monte au nez chaque nuit, la moutarde :
« Madame, regagnez votre chenil ! Assez ! »
Mais, comme la gredine a l'air sourde et prolonge
Son séjour abusif, je me lève et je plonge
Mes pieds dans l'eau bouillante ouverte à gros torrents…
– Que j'aime entendre alors la vieille Gueuse cuite
Faire, au trou de l'évier, dans sa piteuse fuite,
Les mêmes bruits que ceux qu'elle arrache aux mourants !
Charles Verfaille Sonnet classique
Qui est-ce ?
Sa benoîte rondeur lui donne un air bonasse.
Il est blanc, il est rouge, ou d'ocre toiletté.
Pudique, il vêt tant bien que mal sa nudité
En cachant son séant d'une maigre tignasse.
Pourtant méfiez-vous, il a l'ire tenace ;
Évitez tout excès de familiarité :
S'il se sent par vos soins trop hardiment traité,
C'est d'un piquant afflux de pleurs qu'il vous menace.
Pour mettre prompte fin à sa mauvaise humeur,
Laissez-le déployer ses dons de parfumeur :
Il embaume les lieux dès qu'il frit dans la poêle,
Et, bien que grommelant – car il reste grognon –
Il fond pour rendre un mets digne au moins d'une étoile.
C'est que, bourru parfois, il est si bon, l'oignon !