Alain ManaranchePoème classique

Mon ami, mon frère

(A mon frère Marc)

Tu m’as tourné le dos un matin de juillet
Pour le calme glacé de l’ultime voyage ;
Ton crâne nu si blanc sur le blanc oreiller…
Et j’ai reçu ce choc comme un éclair d’orage.

Tu étais mon ami qui ne savait mentir :
Mon frère d’opinions, et de luttes, complice.
Tu partageais ton temps sans compter, sans faillir,
Entre l’esprit du pain et l’esprit de justice.

Tu étais mon ami, nous marchions d’un seul pas
L’humeur au jour le jour et l’âme sans prophète ;
Profitant de la vie et mêlant nos combats
Le cœur au vent debout posé sur notre tête.

Tu étais mon ami, poète sans chapeau
Avec au bout des doigts la terre et nos racines.
Nous chantions quelquefois des vers à fleur de peau
Où l’on parlait d’amour dans l’enclos des usines.

Hélas un mauvais vent a séparé nos doigts
Le reste de mes jours pèsera ton absence…
Si je pouvais garder en mémoire ta voix
Pour prendre son soleil et poser ton silence.

Concours Flammes Vives de la poésie 2013,
sur le thème de l'amitié – Flamme d'or.


Claudine Walter Dumeunier Poème néoclassique

Le jardinier est mort

Un portail en canisses,
Une vieille bâtisse,
Du crépi sur les pierres,
Un arbre centenaire.
Un bassin rempli d'eau
Où boivent les oiseaux,
Et grouillent les têtards
Parmi les nénuphars.
Un arrosoir rouillé,
Des outils délaissés,
Un vieux chapeau de paille,
Une pipe, un chandail.
Dans leur terra-cotta
Les géraniums sont las
Et dans la serre close
Agonisent les roses.
Ici des herbes folles,
Feuilles sèches qui s'envolent,
Vestiges de restanques
Et semis en attente.
Là, le chaos s'affiche
Dans le jardin en friche
Où poussent les chardons,
Les orties, les liserons…
Mais… que vous dire encore…
Le jardinier est mort.
Anthologie poétique de Flammes Vives (vol 2), 2015.