Hiraeth Poème classique
La bibliothèque
" I met a traveller from an antique land…"
Il était autrefois, dans mon pays lointain,
Une bibliothèque, antique et gigantesque,
Dont les mille couloirs se déployaient sans fin ;
Vaste comme l'esprit, comme lui dédalesque,
C'était un monstre d'or, une forêt d'oiseaux
De toutes les couleurs sur leurs perchoirs d'ébène,
Qui, remplis de nos chants immortels et si beaux,
Attendaient de percher sur une main humaine.
À travers les carreaux, chaque jour, chaque soir,
Des rayons éclairaient la poussière des songes,
La poussière du monde – ô rayons de savoir,
Ô lucides témoins de nos pieux mensonges –
Tandis qu'on entendait, dehors dans les jardins,
Murmurer ou gronder la rivière sacrée
Sous le mystère sourd de ses maîtres ondins ;
Mais l'homme ignore tout de ce que l'homme crée.
Aujourdhui le désert a tout enseveli.
Ne reste que la mort, qui souffle sur le sable
Et les débris épars d'un espoir aboli.
Si quelqu'un retournait dans ce lieu misérable,
Que pourrait-il trouver sous la dune et le vent ?
Un livre calciné ? Les éclats de sculpture
De quelque roi sans nom ? Ou le ricanement
De nos démons surgis d'une vaine culture ?
Inconnu1 Poème néoclassique
Le vieux chêne
Il n'est pas de plus grande douleur
Le vieux chêne est tombé ce matin. Le sais-tu ?
Je l'ai trouvé brisé quand l'orage s'est tu,
Serein dans le soyeux d'une herbe humide encor,
Bercé par le fumet sucré du pétrichor.
Tout gisait sur le sol, l'arbre, nos souvenirs,
Les promesses d'un temps qui n'a pas su tenir,
Le houppier qui logeait nos cabanes branlantes
Où venaient s'épancher les humeurs chancelantes,
La corde sur la branche où tu te balançais,
L'odeur du galbanum lorsque tu m'embrassais,
Et fendue au volis, à peine gribouillée,
La courbe de nos noms sur l'écorce mouillée.
J'ai dénoué la corde. On ne la verra plus.
J'abandonne aux achées les lambris vermoulus.
Le volis, le chicot, la branche charpentière,
Sauront nous réchauffer plus d'une année entière.
Et lorsque les rondins, dans l'âtre brûleront
J'aurai le front pensif et mes yeux rougiront,
Fixés sur le linteau de notre cheminée
Qui fige ton portrait depuis presque une année.
Je n'ai gardé, tu vois,
Que le billot de bois
Qui supporte enlacés
Nos prénoms effacés.