Le muzain

Inventé par le poète baroque Abraham de Vermeil (1555-1620) qui en fut le seul maître, le muzain est une forme fixe composée de deux strophes sur quatre rimes : un quatrain et un quintil, soit neuf vers pour neuf Muses ! Selon Henri Lafay, « Vermeil semble bien avoir été le seul à pratiquer ces courtes compositions ».
Ci-contre deux muzains d'Abraham de Vermeil, parmi les vingt-neuf qui nous sont parvenus.

Le schéma en est le suivant : abab,cdccd.
Le quatrain peut également être à rimes embrassées. L'alternance des rimes masculines-féminines est de règle entre les deux strophes. Les vers peuvent compter huit, dix ou douze syllabes.

Tiré de l'oubli depuis peu, le muzain tout en restant assez confidentiel, fait le bonheur de quelques poètes classiques contemporains.
Pour preuve, ici, un amusant muzain d'une muse émue mais usée.

Muzain

Belle main plus blanche qu'albâtre,
Plus délicate que les fleurs
Qui comble mon sein idôlatre
D'une iliade de malheurs :

Pourquoi ne rougis-tu cruelle,
Du sang de mon coeur arraché,
Sans être plus blanche ni belle ;
À la fin que qui te verra telle
Déteste avec moi ton péché.

Muzain

Peux-tu bien être si cruelle
Entre tant de douces beautés,
Et peux-tu bien être si belle
Entre tant d'aigres cruautés ?

Ces roses, ces lys qu’on ne touche
Sans pâmer d'un baume vainqueur,
Ces chants ravisseurs, belle bouche,
Me sont un Printemps mais, farouche,
Ce Non est l'Hiver de mon cœur.

Abraham de Vermeil,
Seconde Partie des Muses françoises
ralliées de diverses parts, 1600.