Formes modernes
Le XXe siècle a créé une multitude de formes nouvelles et en a remis quelques unes, plus anciennes, au goût du jour. En voici cinq qu'on rencontre dans la poésie classique contemporaine (les exemples sont tirés de mon florilège Poètes d'aujourd'hui ☼ : poèmes publiés par Flammes Vives, par Poètes Sans Frontières ou figurant sur le site Oniris).
Le dizain de Lochac
Crée par Emmanuel Lochac (1886-1956), ce poème, composé d'alexandrins, comporte un quatrain à rimes embrassées, un tercet, un distique et un vers médaillé (c-à-d isolé) selon le schéma : abba,cac,dd,c.
L'alternance des rimes masculines-féminines est respectée entre les strophes. En voici un exemple ici (sur 3 rimes : c=b).
Le maillet
Le maillet, créé par Jean Maillet (1947-) se compose de quatre quatrains sur cinq rimes, sans contrainte de métrique. Le premier vers de la première strophe est repris dans les strophes suivantes, respectivement en deuxième, puis troisième et enfin quatrième vers.
Notons qu'à cause de ce vers "flottant", la disposition des rimes ne peut pas être la même dans les quatre quatrains.
Voir un exemple ici.
Le ghazel
Il a été défini sous sa forme actuelle par Roger Galichet (1925-2009) qui s'est inspiré d'une forme poétique arabe parvenue à son apogée aux XIIIe-XIVe siècles dans la poésie persane. Il est composé de douze vers, répartis en deux quatrains encadrant un tercet (qui est le pivot de l’ensemble) et d'un dernier vers médaillé, selon le schéma : abba,aba,cddc,d.
Ci-joint un exemple (bouton +, en bas de page).
La gérardine
On doit la gérardine à Gérard Laglenne (1928-2022).
Elle se compose de quinze alexandrins classiques et respecte l'alternance des rimes. Le poème se déroule comme une histoire vers la conclusion du monostiche final qui doit reprendre tout ou partie du premier vers. Schéma des rimes : ababa,bcbc,dcd,ad,a.
À voir ici une gérardine composée par son inventeur, et là un bel exemple de deux gérardines inversées.
La cyclanelle
La cyclanelle a été imaginée dans les années 2000 par Alain Dukarski (1964-). Elle comporte dix vers répartis sur quatre quatrains.
De l'aveu même de l'auteur « …ça semble compliqué au premier abord, mais le résultat me semble intéressant et apporte une musicalité toute particulière ». Le plus simple est d'en donner le schéma :
A1B1B2A2, B1ccB3, B2ddB4, A2B3B4A1.
En voici deux exemples : ici et là (sur 3 rimes : d=c).
Symphonie érotique
~ Mouvements lents ~
Les frissons, sous ma peau, que ta bouche déflore,
Quand la houle s'annonce exquise au creux des reins,
Eclusent une mer de plaisirs souterrains ;
Je sais le port de grâce aux lueurs de l'aurore.
Si rien ne t'est plus doux que de m'aimer encore,
J'étancherai ma soif à l'eau de tes chagrins ;
Ne vois-tu pas combien mon regard te l'implore ?
Dans le square, il pleut mauve entre les orangers ;
Timidement, l'automne efface nos ratures ;
II est fini le temps de nos jeux immatures :
Sur mon corps alangui teint de roses légers,
Virtuose amoureux, la nuit, tu t'aventures...
Davide - Oniris, 02 août 2020
Remarque : L'auteur du ghazel présenté ci-dessus avance une autre définition, dont je lui laisse l'entière responsabilité :
« C'est une forme dérivée, et masculinisée, de la gazelle, cette antilope élancée vivant dans la savane africaine. Dans le ghazel, donc, les deux quatrains font référence au nombre de pattes d'une gazelle et de son mâle réunies dans l'accouplement, le tercet symbolise la Trinité et le vers final, la naissance de leur enfaon.
Bien sûr, le ghazel, animal ruminant, se nourrit essentiellement de petites herbes, de feuilles et d'alexandrins, mais déteste les hiatus et les rimes pauvres. Sa vitesse de lecture peut dépasser 100 vers/h.
C'est dire son intérêt pour la poésie classique de ses ancêtres dont il est un héritage précieux. »