Le pantoum (2/2)


Le pantoum classique tel que défini par Banville est illustré par les Pantouns malais de Leconte de Lisle (cf. ci-contre).
Il existe une variante, nommée pantoum « fermé », où le deuxième vers du dernier quatrain reprend le troisième vers du premier. Chaque vers apparaît alors deux fois dans le poème. Le Pantoum, de Louisa Siefert présente cette particularité (cf. le texte ici). C'est, à mon avis, l'un des plus beaux jamais écrits…

Pantoum à rimes embrassées
Cette variante, pour respecter l’enlacement des vers, est nécessairement construite sur deux rimes. Et, pour que le dernier vers puisse reprendre le premier, elle doit comporter un nombre impair de quatrains.
Harmonie du soir de Baudelaire ne respecte pas ce dernier critère (cliquez ici, puis sur le bouton  ).
On trouvera ici un exemple de pantoum fermé à rimes embrassées qui comporte cinq quatrains.

Pantoums irréguliers
De nombreuses variations sur le canevas du pantoum ont vu le jour, l'une des premières étant le Pantoum négligé de Verlaine.
Impossible enfin de clore le sujet sans citer le « monument » de René Ghil : le Pantoun des Pantoun.

Pantouns Malais

V

Ô mornes yeux ! Lèvre pâlie !
J’ai dans l’âme un chagrin amer.
Le vent bombe la voile emplie,
L’écume argente au loin la mer.

J’ai dans l’âme un chagrin amer :
Voici sa belle tête morte !
L’écume argente au loin la mer,
Le Praho rapide m’emporte.

Voici sa belle tête morte !
Je l’ai coupée avec mon kriss.
Le Praho rapide m’emporte
En bondissant comme l’axis.

Je l’ai coupée avec mon kriss ;
Elle saigne au mât qui la berce.
En bondissant comme l’axis
Le Praho plonge ou se renverse.
Elle saigne au mât qui la berce ;
Son dernier râle me poursuit.
Le Praho plonge ou se renverse,
La mer blême asperge la nuit.

Son dernier râle me poursuit.
Est-ce bien toi que j’ai tuée ?
La mer blême asperge la nuit,
L’éclair fend la noire nuée.

Est-ce bien toi que j’ai tuée ?
C’était le destin, je t’aimais !
L’éclair fend la noire nuée,
L’abîme s’ouvre pour jamais.

C’était le destin, je t’aimais !
Que je meure afin que j’oublie !
L’abîme s’ouvre pour jamais.
Ô mornes yeux ! Lèvre pâlie !

Leconte de Lisle - Poèmes tragiques, 1886.